MONTAIGNE, UN HOMME LIBRE AU CŒUR DES GUERRES DE RELIGION

 

 

Conférence d’Arlette JOUANNA,

professeur émérite d’histoire moderne, Université Paul-Valéry, Montpellier III

Vendredi 17 mai 2019

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Il y a une énigme Montaigne.

On imagine souvent l’écrivain retiré dans sa tour pour caresser les muses et cultiver une sagesse intemporelle. Mais il ne peut se résumer à l’image du philosophe voué à la contemplation. C’est un seigneur à la tête d’un vaste domaine, un gentilhomme pétri de valeurs nobiliaires, un ancien magistrat aussi, pénétré d’un riche savoir juridique, qu’il mit pour un temps en œuvre au parlement de Bordeaux, ville dont il deviendra le maire, un acteur politique surtout, happé par la tourmente des guerres de Religion, la violence des haines confessionnelles et la hantise de la mort qui ensanglante la France.

On ne peut comprendre le destin singulier de cet homme d’exception sans mettre en miroir ces différentes figures qui composent sa personnalité et le terroir historique dans lequel elles s’enracinent.Comment un gentilhomme campagnard, de fraîche noblesse, a-t-il pu concevoir le projet sans précédent de faire l’exploration de son univers intime ? Comment cet homme qui dit avoir en horreur les « nouvelletés» s’est-il accommodé, malgré son attachement au catholicisme, de la nouveauté inouïe que représentait la légalisation partielle du culte protestant en France ?

Chercher à répondre à ces questions fait émerger la figure d’un homme singulier, qui tente de voir clair en lui, et autour de lui, avec une lucidité et une ironie très savoureuses pour le lecteur de ses Essais.

Si Montaigne nous parle encore, c’est qu’il en appelle à la « raison publique » pour transcender les intolérances ; c’est qu’il invite aussi à affranchir l’esprit du poids des conventions arrêtées et des préjugés invincibles.